Philippe Lekeuche

Philippe Lekeuche est né à Tournai le 19 janvier 1954. Il commence à écrire de la poésie en 1966, année où il découvre la poésie de Charles Péguy qu’il lit avec passion. En 1968, il rencontre la poétesse Madeleine Gevers, membre d’Unimuse, chez laquelle il se rendra chaque samedi, durant dix ans, cette grande aînée accompagnant le jeune poète dans son apprentissage de l’art poétique. Philippe Lekeuche lui restera lié au fil des années, et ce jusqu’à la mort de celle-ci en 1996.

Comme l’écrira le poète : « Madeleine m’a enseigné tout ce qui peut s’apprendre quant au faire-oeuvre poétique, elle fut réellement mon seul maître en poésie ».

Il intègrera l’association Unimuse dès son adolescence, y rencontrant notamment Robert-Lucien Geeraert, Colette Nys-Mazure et Gilbert Delahaye. Il en restera membre jusqu’à son entrée à l’Université de Louvain en 1973, à Leuven, où il entreprendra des études de psychologie qui le mèneront jusqu’au doctorat en 1987. Il y deviendra par la suite Professeur de psychologie clinique d’orientation psychanalytique jusqu’en 2019.

Parallèlement à son travail d’enseignant, de chercheur et de clinicien, Philippe Lekeuche ne cessera de faire de la poésie et de publier chez divers éditeurs, en Belgique comme en France. Parmi ses derniers livres publiés l’on trouve : Une vie mélangée (L’herbe qui tremble, 2014), L’éclat noir du désir (Le Taillis Pré, 2015) et Poème à l’impossible (Le Taillis Pré, 2018).

Il devient Professeur émérite de l’Université de Louvain en 2019 et est élu à l’Académie Royale de langue et de littérature françaises de Belgique en 2017 où il succède à Liliane Wouters.

Trois poèmes

Qui tranchera l’épaisseur de la nuit, ouvrira

La brèche attendue ? Tant ce siècle de plomb, crépuscule

De l’Esprit, brumes de la Pensée, descend

Et toi, par pitié, ne ressasse pas le ressentiment

Ne t’offre pas en victime aux habiles, aux triomphants

Aux bruits de ce monde

Écoute et vois, garde sacrée la frêle flamme

Sur laquelle souffle la tempête de la guerre

Où les cadavres glorieux pleuvent

Le poème de rien du tout sourd de la boue

Tel un diamant fragile et blessé, il appelle

Vers toi, vers les justes et les innocents

*

Nous n’étions plus, bien que la lumière forçât

L’être, c’était le beau matin, tout en joie, mais

Une langueur s’éprit de moi

Je restais immobile, dans le vieux fauteuil

Autour, toutes les planètes, les étoiles

M’entouraient

J’étais au point zéro dans l’abîme du

Temps Concentré en ce presque rien, ce lieu infime

Où je commence

Ouvert, à l’écoute de ce qui vient

Alors parut ma parole lente, elle, si calme

Dans la paix du jour naissant

*

Exister, ce n’est pas être là, déployé

Dans l’action et les pensées, ce n’est pas

Aimer, être dans la ville ou la pairie

Ni vivre, ni lentement mourir

Traverser le désert, l’épreuve d’être soi

Se surmonter soi-même et mûrir, ce n’est pas

Dos au mur écrire ou depuis ce néant

Faire des poèmes, ce n’est point cela

C’est la question que je suis, sans réponse

Ce point d’énigme qui appelle éperdument

(inédits)

Philippe Lekeuche