Jacky Legge

Jacky Legge avec M.Chevalier

La fanfare municipale

La fanfare municipale idéale est composée
du taste-vin à la flûte,
de l’ébéniste au hautbois,
de la prostituée à la trompette,
du clerc de notaire au trombone,
de l’acteur au trombone à coulisses,
de l’esthéticienne au cor,
du marchand de frites au cornet,
du fils du maire au cornet à pistons,
de madame Pipi au cor de chasse,
du maître-nageur au tuba,
du curé au triangle,
de la blanchisseuse au tambour,
de l’agriculteur belge au tambourin,
du banquier à la grosse caisse.
Et, bien entendu, c’est le boulanger qui tient la baguette.

Jacky Legge (Écaussinnes 1957) est membre de l’Association des Écrivains belges de langue française et d’Unimuse. Outre son travail d’écriture au sujet du symbolisme funéraire, du patrimoine des cimetières, du petit patrimoine (empêche-pipi, gratte-pieds, sgraffites…) et ses recherches biographiques concernant les architectes et les artistes plasticiens, Jacky Legge apprécie s’évader dans les univers de la nouvelle, des distiques ou autres poèmes courts. Il s’aventure volontiers dans l’écriture à quatre mains avec d’autres auteur.e.s et dans la création commune avec des plasticien.ne.s. Il vit, travaille, crée et rêve à Tournai qui l’habite complètement.
 

à l’Escaut, fleuve de mes larmes
La saison impensée se pose sur le monde / unique et invariable mais tellement diverse / sournoise comme serpent d’eau / longue et lente elle apprivoise / ceux qui écoutent en silence / le voyage limpide. L’eau s’habille des teintes sombres de son lit / bordé des tulles blancs d’un pays de poussière / ne vous fiez guère à sa quiétude / certains déjà laissèrent leurs jours / en sacrifice dans ses bras / peut-être par amour. 

Si fier entre ses noirs “clotiers” / de rive en rive nonchalant / songeur en son corset de pierre / le fleuve opine des hanches / avant de poursuivre serein / sa quête verdoyante. L’œuvre des hommes ne le contrarie guère / il supporte docile sur ses fortes épaules / le joug pesant et lourd des tristes caravanes / de roches de métaux d’huiles et de sables / après quoi le silence étrangement revient / dédier sa moirure au ballet des oiseaux. Parfois le ciel répond à ce chant sans paroles / de sa voix de tonnerre il gourmande les hommes / pour n’avoir écouté que le chant des enclumes / mais demeure clément et pardonne toujours / d’une éponge de pluie gomme nos salissures / rendant à la rivière sa robe de mariée.